Restauration d'un buffet breton à deux corps
Restauration d'un buffet breton à deux corps
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Restauration d’un buffet breton à deux corps
Ce buffet est un meuble de famille qui date du début des années 1930.
Il a été fabriqué à Guénin, dans le centre Bretagne, pays de Baud, en Morbihan, par la maison Culaud, menuisiers sur plusieurs générations. (Il existe toujours aujourd’hui à Guénin une fabrique de boiseries Culaud).
Ce meuble a été fabriqué à l’occasion de l’établissement en ménage d’un jeune couple alors fraichement mariés, Joseph, dit Job, et Agnes Conanec.
Le style est très caractéristique de cette époque et de la région, il est fabriqué en châtaigner, teinté assez sombre et est très ouvragé.
Il possède un grand nombre d’ornements :
- Fronton sculpté en ronde bosse d’un couple de personnages bretons en costumes, avec une rosace constituée de petits fuseaux disposés en rayons
- “Toupies” tournées aux angles de la corniche
- Frises sculptées de motifs au compas, sur tous les montants verticaux
- Traverse supérieure sculptée en bas relief de branches de lierre et d’un buste d’homme breton saillant
- portes vitrées ornées d’un motif en quart de roue à fuseaux dans un angle supérieur. Frise en écailles de poisson très fine sur tout le pourtour du cadre.
- Un balcon dans l’espace entre les deux corps, surélevé par rapport au plateau et constitué d’un râtelier de fuseaux tournés.
- Deux piliers constitués de deux personnages sonneurs de biniou et bombarde, en costume.
[![Les sonneurs](140_85 ans toutes mes dents.jpg)](140_85 ans toutes mes dents.jpg)
-
Une dentelle de bois constituée d’une multitude de petits glands suspendus sous le haut du buffet
-
Des boutons de tiroirs constitués de croix en laiton massif.
Les entrées de clé sont assez modestes, en laiton également -
Des portes basses sculptées en bas relief d’un homme avec son penn baz à gauche et d’une femme à droite, en costume, devant la chaumière.
On peut remarquer que ce style est relativement chargé mais il est néanmoins constitué de sculptures très fines et d’une composition générale très élaborée et soignée.
Il marque le tournant d’une époque pour les facteurs de meubles.
On est en effet à la charnière entre le meuble fonctionnel d’avant la
première guerre mondiale, constitué alors en Bretagne de lits clos et bancs-
coffre (bank
tossen),
armoires, tables de ferme, coffres d’horloges, etc, à finalité
essentiellement utilitaire et un meuble qui devient plus moderne, ornemental
et d’apparat.
Même si sa fonction reste le rangement, il est indéniable qu’il constitue une
pièce de décor qui trône au milieu de la pièce principale et dont le
propriétaire n’est pas peu fier.
Les personnages en costume XIXème témoignent de l’affection qu’on portait à cette époque pour le folklorisme breton. On est à l’époque de Théodore Botrel, et de l’émergence des premiers bagadous.
On est encore à cette époque dans un système économique où l’artisan ne compte pas vraiment ses heures. En effet, le nombre d’heures nécessaires à la fabrication et au décor d’un tel meuble, constitué d’une multitude de petites pièces et de sculptures élaborées est véritablement conséquente. Un tel artisanat serait aujourd’hui hors de prix pour un ménage relativement modeste s’installant en ménage.
On peut d’ailleurs penser qu’il se s’agissait pas d’un unique artisan, mais probablement d’un ébéniste, d’un sculpteur et d’un tourneur. On sait par exemple que certains luthiers facteurs de binious et bombardes, comme le célèbre Jean-Pierre Jacob de Keryado près de Lorient, étaient en fait principalement des tourneurs sur bois de métier qui sous-traitaient les parties tournées pour les facteurs de meuble de la région. Il en allait de même pour certains sculpteurs professionnels.
Ce style a évolué par la suite, au fur et à mesure que le siècle avançait. Il s’est malheureusement corrompu pour faire place au style “néo-breton”, qui malheureusement a dévoyé complètement le meuble breton. On a renoncé à la finesse, introduit le copiage industriel, renoncé au bois de pays pour souvent opter pour le bois exotique … C’est ce mobilier, souvent grossier et sans intérêt, que l’on retrouve aujourd’hui de façon plétorique dans les dépots vente, ou même directement dans les bacs de la déchèterie …
Ce buffet est resté chez ses commanditaires jusqu’à leurs derniers jours, dans les années 90. Ils étaient installés dans une maison bretonne traditionnelle, c’est à dire sans chauffage central et relativement humide.
Au fil des années, certaines pièces se sont perdues, ont été cassées, les glands de la dentelle se sont détachés. Malgré le fait que Job Conanec ait pris grand soin de collecter ces petites pièces dans une boîte d’allumettes que j’ai récupérée avec le meuble , il en manquait un bon nombre que j’ai du refabriquer à l’identique. Il manquait un côté de la corniche basse que j’ai du refaire également.
Les instruments
De même, il manquait les instruments des sonneurs, qui n’avaient plus ni bombarde ni biniou.
N’ayant aucune idée de à quoi ils ressemblaient à l’origine, je me suis fait fort de leur redonner des instruments, en m’inspirant d’instruments que je possède. J’ai donc fabriqué pour l’occasion le plus petit biniou et la plus petite bombarde du monde ! (enfin je n’ai pas vérifié …) :
La bombarde ne fait que 40mm de long. Le pavillon se détache. Le bourdon est en trois parties à coulisse, comme un vrai. Ils sont réalisés en buis et corne, comme dans la réalité également.
Lorsque j’ai récupéré ce buffet, j’ai d’abord restauré le bas, qui est resté
une dizaine d’année seul, dans notre salle de séjour.
En 2014, j’ai décidé de lui rendre son haut, qui attendait patiemment dans
l’atelier.
Au bout de 10 ans, le buffet bas avait besoin d’un réfaction de son dessus, cette restauration est décrite dans un autre article que l’on peut lire ici.
Le diaporama suivant décrit les principales étapes de la restauration du reste du buffet.
Diaporama
Voici le diaporama commenté des principales étapes de cette restauration.
Voilà, le buffet est reparti pour une centaine d’année (j’espère !) et il trône à nouveau en bonne place dans notre salle de séjour.
Comme ses premiers propriétaires, Agnes et Job, nous ne sommes pas peu fiers de lui, et il est également là pour nous rappeler avec bonheur leur bon souvenir.
N’hésitez pas à me poser des questions en cas de besoin et à commenter cet article.
Christophe
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